…ce parasite que j’aime tant
Il est 23h47, je devrais dormir depuis longtemps mais me voilà encore à scroller machinalement sur mon téléphone. Cette lumière bleue qui brûle mes rétines, ces notifications qui vibrent comme autant de petites décharges dopaminiques… Et si mon smartphone était devenu mon parasite préféré ?
Une relation toxique assumée
Je suis tombé sur un article fascinant sur Robert Brooks, biologiste de l’évolution et Rachael L. Brown ( philosophe) qui comparent nos smartphones à des parasites. Pas dans le sens péjoratif habituel, mais dans le sens biologique du terme : une entité qui vit aux dépens de son hôte pour assurer sa propre survie et reproduction.
L’analogie est troublante. Comme le virus qui nous fait tousser pour mieux se propager, les réseaux sociaux nous font scroller pour maximiser leurs revenus publicitaires. Ce n’est pas de la malveillance – c’est de la pure logique évolutive. Le parasite ne veut pas nous nuire, il veut juste optimiser ses chances de survie. Et nous ? Nous sommes l’hôte consentant.
Le piège du mutualisme
Ce qui m’a marqué dans cette réflexion, c’est l’idée que toute relation technologique commence comme une symbiose. Au début, c’était magique : appeler gratuitement à l’autre bout du monde, avoir accès à toute la connaissance humaine en quelques clics, retrouver son chemin n’importe où…
Mais imperceptiblement, la balance a basculé. Les algorithmes se sont perfectionnés, non plus pour nous servir, mais pour nous retenir. Le temps passé sur l’app est devenu la métrique ultime. Et nous voilà piégés dans ce que Brooks appelle une “course à l’armement évolutive” où chaque nouvelle fonctionnalité est conçue pour capter encore plus notre attention.
Les dommages collatéraux acceptables ?
L’anxiété, l’isolement social, les troubles du sommeil… Ces “effets secondaires” ne sont plus des bugs mais des features. Comme Brooks le souligne, si une app nous tuait en 10 minutes, personne ne l’utiliserait. Mais si elle grignote lentement notre vie sociale, notre sommeil, notre capacité d’attention… c’est une autre histoire.
Les jeunes générations sont les plus touchées : moins d’activité sexuelle, moins d’intérêt pour les relations de couple, plus d’anxiété. Est-ce le prix à payer pour avoir Google Maps et WhatsApp ? La question mérite d’être posée.
Reprendre le contrôle ?
Ce qui me plaît dans cette approche, c’est qu’elle évite le piège du tout ou rien. Brooks ne prône pas de jeter nos smartphones à la mer. Il propose plutôt de reconnaître la nature de cette relation pour mieux la gérer.
Quelques pistes de réflexion pour ma propre “course à l’armement” :
- Conscience : Reconnaître quand je scrolle par habitude plutôt que par choix
- Limites : Définir des zones sans téléphone (la chambre ?)
- Alternatives : Retrouver le plaisir des activités non-connectées
- Régulation : Soutenir les initiatives pour encadrer les pratiques des géants de la tech
Le parasite apprivoisé
L’histoire nous montre que les relations évoluent. Le loup prédateur est devenu le chien compagnon. Peut-être qu’un jour, nous apprendrons à transformer nos smartphones-parasites en véritables outils symbiotiques.
En attendant, je vais essayer d’éteindre mon téléphone avant minuit ce soir. Petit pas par petit pas, on reprend le contrôle. Après tout, même les parasites ont besoin d’un hôte en bonne santé pour prospérer, non ?
Et vous, comment vivez-vous votre relation avec votre smartphone ? Parasite, symbiose ou simple outil ? .
Tiré de l’article : Portable, mon parasite bien aimé, Recueilli par Nicolas Celnik. Libération – samedi 5 juillet 2025
