Le bruit et la fureur | Faulkner

Fragments

notes de lecture

Assis sur un canapé de cuir ou bien couché, la trotteuse clique-tique. Le temps s’écoule long. Chaque nuit, avant de m’endormir je lis. Le bruit et la fureur, par petits bouts. Je ne sais ce que j’ai retenu c’est comme un rêve parcellaire des personnages me parlent ou bien est-ce moi qui pense un livre expressionniste. Dans le miroir le monde s’écoule par la fenêtre les nuages laissant quelque bouts de peau d’azur ; Faulkner m’habite seulement il n’est pas là il se joue de moi je n’y comprends rien. Pourtant tout est beau rythmé. Et puis ce cri un rugissement des gémissements me suivent partout. Je m’attache. J’oublie j’y reviens comme attiré repoussé

Une symphonie de musique concrète. Poésie sonore.
Tableau impressionniste

« J’ai marché sur le ventre de mon ombre »

C’est un livre : le fil est linéaire horizontal mais le récit est réticulaire. L’intrigue un rhizome. Elle surgit elle est enfouie sa saveur est profonde amère douce sucrée et acide

Benjy. Suis je cet idiot qui perçoit le monde immédiatement sans filtre. Je suis le monde sans barrière. Enfin si il y a une barrière qui me sépare du terrain de golf. Il m’ont châtré ; et je crie comme un chien qui pressent que quelque chose va advenir.

« tout homme est l’arbitre de ses propres vertus mais il ne faut jamais laisser un homme prescrire à un autre ce qu’il croit devoir lui convenir »

Ou bien suis-je Caddy, petite fille jeune femme abandonnée exclue exilée rejetée

Ou cette vieille noire Disley chaire de bonté divine au caractère trempé bienveillante femme noire femme nue pied

Ou cet oncle perdant les pédales qui hait sa nièce Quentin
Je ne sais plus

Tout est flou et tout s’éclaire

à la fin le silence, la tranquillité

Il faut savoir s’abandonner à Faulkner. Il dit « J’avais songé qu’il serait intéressant d’imaginer les pensées d’un groupe d’enfants, le jour de l’enterrement de leur grand-mère dont on leur a caché la mort, leur curiosité devant l’agitation de la maison » Plus loin « pour corsé cette étude, j’ai conçu l’idée d’un être qui serait plus qu’un enfant, un être qui pour résoudre le problème, n’aurait même pas à son service un cerveau normalement constitué, autrement dit un idiot. » Benjy. « Puis il est arrivé ce qui arrive à bien des romanciers, je me suis épris d’un de mes personnages » Caddy.

Le roman se déroule avant la crise de 29.

Le lecteur est spectateur du désespoir il reconstruit le sens d’un monde qui n’en a pas. Il écoute les voix de ceux qui le ressentent y mettent des mots.

On écoute attentivement les solos. On vit on respire le cœur battant en harmonie avec le personnage.

Faulkner éclaire le monde en multiples faisceaux. Prend pour matière, ce qu’il y a de plus singulier en chacun, une expérience du monde, des ressentis. La raison est écartée. Il n’y a peu de débats. Que des chants. Une pièce lyrique ? Personne n’a raison il n’y a point de vérité tout est juste une question de point de vue.

« C’était la montre de mon grand-père. […] je te [la] donne, non pour que tu te rappelles le temps, mais pour que tu puisses l’oublier parfois pour un instant, pour éviter que tu ne t’essouffles en essayant de le conquérir. Parce que, dit-il, les batailles ne se gagnent jamais. On ne les livre même pas. Le champ de bataille ne fait que révéler à l’homme sa folie et son désespoir, et la victoire n’est jamais que l’illusion des philosophes et des sots. »

À la fin le lecteur est complice. Et témoin de cette tranche de vie.

Dans la littérature, Le bruit et la fureur aura marqué un « avant et un après ».

J’ai réalisé un montage, un reportage mêlant des témoignages évoquant la vie au sein d’une grande association, l’Accorderie. À la pression du peu de temps dont je disposais, la réponse fut tout à coup une évidence. Pourquoi chercher un sens ? Le spectateur retissera lui-même les sens. Il suffit de peindre quelques petites touches de couleurs, disposer ça et là des symboles, des éléments qui feront liens, par associations d’idées.

Le spectateur vit, voit au présent, il est aussi acteur, lui aussi est personnage. Pour moi, il y aura eu avant et après Le bruit et la fureur.